S’inquiéter de la baisse de la natalité amorcée en France depuis une dizaine d’années est une préoccupation légitime pour l’avenir du pays. L’enjeu est politique mais penser y remédier par exemple par l’octroi de congés de naissance ne règlera rien. Le démographe Hervé le Bras met en avant deux explications l’une concernant la modification des structures de la famille et l’autre sur l’évolution des rapports entre les hommes et les femmes. Explications que je partage en tant qu’engagée dans la défense des droits et des conditions de vie des femmes.
Des études ont été faites depuis quelques années sur la baisse de la natalité qui gagne tous les pays européens. On ne pourra pas trouver de réponses adaptées si on n’essaye pas d’en comprendre les causes. L’âge tardif du première enfant est souvent invoqué. Certes, mais il est à chercher du côté de l’attente de la stabilisation professionnelle au risque de perdre en mobilité. C’est le cas des femmes qui sont cadres ou qui aspirent à ce statut. Mais il n’y a pas que les femmes cadres, il y a toutes les jeunes femmes qui connaissent les CDD à répétition, les boulots mal payés, les mauvaises conditions de logement.
La maternité est également victime du sexisme ambiant et les stéréotypes jouant à plein, moins engagée, moins disponible dit-on, l’impact sur la carrière est négatif. La maternité n’est plus si évidente que cela, elle n’est plus nécessaire à la reconnaissance sociale, les femmes sont aujourd’hui plus souvent diplômées que par le passé et exercent majoritairement une activité professionnelle qui les valorise ou du moins les rende plus ou moins indépendante financièrement.
Sur le volet travail domestique, la fondation européenne pour l’amélioration des conditions de travail dans son rapport annuel 2022 a évalué à 3 heures le temps de travail domestique pour les femmes, à 12 heures au premier enfant et à 20 heures au troisième. Ces obligations sont un frein à l’activité professionnelle. L’Institut européen pour l’égalité des genres rappelle que 60 % des employées ont dû modifier leur activité professionnelle pour prendre soin des enfants contre seulement 17% de leurs homologues masculins. Or réduire son temps de travail entraîne une baisse importante de revenus, une absence de cotisations notamment de retraite pendant que les hommes ne modifient en rien leur vie professionnelle et surtout continuent de cotiser pour leur retraite et s’ils le peuvent mettent de l’argent de côté. Les femmes ont été les oubliés de la réforme des retraites.
Les jeunes femmes ne veulent plus jongler, se débrouiller, sans rien laisser paraître de leurs difficultés comme l’ont fait les générations qui les ont précédées. Elles ont bien conscience qu’au moment de la rupture viendra peut-être le temps de la précarité.
Dernier point et non des moindre à souligner c’est le modèle social de la mère modèle des publicités, des influenceuses, du monde médical et résumé en « fais pas ci fais pas ça, fais comme ci, fais comme ça ». Les générations précédentes étaient finalement plus tranquilles. Il faut des politiques publiques qui soutiennent les femmes et pas seulement des politiques de soutien à la mère et à la famille. La solidarité familiale est plus difficile à mettre en oeuvre avec l’éloignement géographique, le report de l’âge de la retraite.
On encourage la natalité, mais pas les mesure d’égalité entre les femmes et hommes à l’arrivée de l’enfant. La question étant culturelle, les aides fiscales et sociales n’y pourront pas grand chose.